Motricité libre et prise de risques mesurée

Respecter les normes de sécurité oui mais ne pas aseptiser les espaces

Les textes prévoient des normes à respecter pour les lieux qui accueillent de jeunes enfants : aménagement des espaces et mobiliers adaptés. L’objectif de ces réglementations contraignantes étant avant tout d’assurer la sécurité des enfants. Les services de PMI garants de leur respect font même parfois un peu de surenchère.

 

De leur côté, nombre de professionnels et spécialistes considèrent qu’il vaut mieux adopter « la culture du risque mesuré » que celle du tout sécuritaire.

 

Conclusion : attention à ne pas créer des espaces trop protégés qui aseptisent complètement l’environnement de l’enfant et ne lui permettent pas de découvrir ses propres capacités et d’apprendre à s’adapter à de nouveaux espaces, pas forcément sécurisés (problème que l’on peut rencontrer en crèche où l’enfant évolue dans un environnement hyper sécurisé).

Libre de bouger

L’enfant a besoin de liberté pour s’épanouir. Et notamment de liberté dans ses mouvements pour découvrir à son rythme et sa façon son environnement mais aussi son corps et ses capacités. Libre de ses mouvements, l’enfant nous prouve qu’il est pleinement compétent et autonome. C’est un des fondements de la motricité libre. Néanmoins, tout professionnel responsable doit assurer sa sécurité. Et c’est par son attitude professionnelle, son accompagnement qu’il le fera.

Faire confiance

Tout est affaire de confiance. La confiance en soi, en ses compétences professionnelles, en sa capacité à réagir. La confiance dans la capacité de l’enfant. Il est capable d’apprendre, de comprendre, d’appréhender l’espace, de l’expérimenter et de faire en sorte de ne pas se mettre en danger. Mais aussi la confiance des parents envers la professionnelle !

 

En pratique, chez Nounou, malgré le respect des normes de sécurité imposées et validées par la PMI, l’enfant peut être amené à se blesser sur les jeux, ou en se heurtant avec un objet ou un autre enfant. Il sera accompagné dans sa prise de risques mesurés.

 

L’enfant sera également amené à se salir dans le cadre des ateliers de découverte, à l’intérieur et à l’extérieur de la maison. Les parents prévoiront une tenue confortable et résistante ainsi que du linge de change. Laisser un enfant se salir c’est aussi respecter sa façon d'explorer le monde et de construire ses apprentissages.

La motricité libre : c’est quoi ?

Le concept de motricité libre consiste à laisser l’enfant libre de ses mouvements afin de lui permettre d’explorer son corps et de se développer en toute confiance. Un concept qui date des années 60 mais qui fait partie intégrante aujourd’hui des projets pédagogiques dans les lieux d’accueil petite enfance.

 

Le Dr Emmi Pikler, pédiatre hongroise qui a inventé ce concept, a découvert que le développement moteur s’acquiert naturellement, sans apprentissage de la part d’un adulte, et dans un ordre bien précis, mais aussi que cette liberté donnée aux enfants leur apporte un sentiment d’accomplissement et de sécurité.

 

Les 3 premiers mois, le nourrisson a besoin d’être entouré physiquement pour se constituer une sécurité affective. Cette sécurité de base acquise, l’enfant va pouvoir ensuite s’exprimer par sa motricité. Et il est fondamental de lui permettre, dans cette période cruciale, d’être libre de ses mouvements : le laisser bouger, explorer l’espace, saisir des objets, les relâcher, sentir les formes, les textures… Il peut tester ainsi les limites de son corps et expérimenter de nouvelles positions librement. En répétant les exercices, l’enfant se prépare ainsi tout seul aux différentes acquisitions. Il progresse à son rythme sans qu’on ait besoin de devancer ses besoins. Il est important de ne pas le contrarier en lui imposant une posture qu’il n’a pas encore découvert seul, comme l’asseoir, le mettre debout, on risque au contraire de le crisper et de le mettre en échec. Ce serait lui enlever la joie de découvrir par lui-même ses propres capacités.

 

 

La motricité libre permet aux enfants d’acquérir plus de confiance puisque ce sont eux-mêmes qui construisent leur propre chemin. Elle favorise aussi leur esprit d’initiative et leur créativité. Elle encourage l’autonomie de l’enfant.

La motricité libre en pratique : la maîtrise de son corps

L’enfant a accès à différents espaces de jeu qu’il investit à sa manière, à son rythme, dans un cadre sécurisé. Chez les petits, le bébé est installé à plat dos sur des tapis et peut se déplacer en toute liberté. Sa tête est au repos, la cage thoracique à plat dégage ses poumons, ses mains et ses pieds sont mobiles, sa colonne vertébrale n’est pas sollicitée. Sa tenue n’entrave pas ses mouvements et, à ses pieds, des chaussons souples et légers. Quelques jeux avec différentes textures sont posés à côté de lui pour éveiller ses sens, des petits objets simples et légers, un tapis composé de différentes textures, et les sons et mouvements de la vie quotidienne autour de lui…. « Un enfant n’est jamais mis dans une situation dont il n’a pas encore acquis le contrôle par lui-même », disait Emmi Pikler. Les accessoires qui vont gêner le bébé (transat, cale-bébé, trotteur) sont évités. Toute intervention de matériel non approprié peut court-circuiter le développement moteur spontané. On évite une sur-stimulation par l’utilisation de musiques/bruits, portique, ou trop de jouets à la fois.

 

Motricité libre ne signifie pas laisser son bébé seul dans un coin sur son tapis. Bien au contraire, c’est parce qu’il se sent encouragé et soutenu dans ses apprentissages qu’il persévère et poursuit ses découvertes. Le rôle de l’adulte est aussi d’adapter l’espace et les jouets mis à disposition de l’enfant en fonction de ses capacités du moment. La motricité libre apprend donc aux parents et au professionnel à observer leur bébé pour savoir où il en est et lui proposer un cadre le plus juste possible, à s’adapter et ne pas intervenir systématiquement.

 

Chez les plus grands, autour de 18 mois, les « jeux libres » occupent rapidement une part importante de leurs journées. Des jeux de grande motricité (ballons, vélo) et de motricité fine (jeux d’encastrement, de construction) sont mis à sa disposition et des petits ateliers sont organisés avec une surveillance un peu plus proche mais non-directive. L’enfant n’explore jamais le monde seul, le professionnel est présent pour l’accompagner et l’encourager dans ses découvertes, mais il ne fait pas les choses à sa place ! Son rôle est d’offrir une contenance psychique au tout-petit, c’est à dire lui accorder une attention de tous les instants et savoir précisément où il en est dans son développement. Un pas de plus pour le guider vers son autonomie.

 

Au quotidien, c’est donc ne pas caler l’enfant en position assise avant qu’il ne sache s’y mettre seul, ne pas le hisser en haut du toboggan avant qu’il sache y monter, laisser l’enfant monter l’escalier et franchir les obstacles à sa manière en restant derrière lui pour le sécuriser, ne pas l’aider à marcher en lui tenant les bras en l’air, ou à défaut le plus bas possible, etc... Des attitudes adoptables au quotidien en mode réflexe, à la maison comme dans un accueil collectif.

 

Grâce à la motricité libre, les enfants savent se mettre et se défaire d’une position par leurs propres moyens. Pour y parvenir ils ont pris le temps de tâtonner, de gérer leurs déséquilibres et découvrir les erreurs à ne pas faire pour que leur mouvement soit efficace. Une fois maîtrisé, le geste est sûr et précis.

 

A la clé, une aisance corporelle parfois étonnante, une excellente capacité à évaluer les risques et à se tirer de situations imprévues, une meilleure confiance en lui.

 

Comme l’enfant ne fait que ce qu’il maîtrise, il connaît son corps et ce qu’il est capable de faire et ne pas faire. Plus prudent, il se lance donc moins dans des situations dangereuses.

Et pourquoi pas assis ?

C’est généralement autour de 6-9 mois que les parents montrent une certaine fierté à présenter leur bébé assis, bien calé par des coussins, parfois même sur les conseils de leur médecin. C’est mal connaître le développement psychomoteur de l’enfant. Pourquoi tant de hâte ? Dans cette position, l’enfant met toute son énergie à maintenir un équilibre précaire, ses jambes immobiles qu’il ne peut plier, sa tête si lourde sur un dos peu musclé et douloureux. Ce n’est pas en étant mis assis que l’enfant apprend à connaître et maîtriser son corps. Crispé et immobile, il est dépendant de l’inconfort physique (voire la douleur) de cette position dont il ne peut sortir. Il se désintéresse de son environnement, se met à pleurer, se raidit, finit par tomber. Si l’on persiste a le placer assis, son corps aura alors bien du mal à mettre en place une organisation au service d’une évolution psychomotrice harmonieuse…

La motricité libre au quotidien

Les enfants qui apprennent par eux-mêmes ont moins besoin de solliciter l’adulte au quotidien. Leur envie de découvrir par eux-mêmes s’étend alors jusqu’aux gestes du quotidien : s’habiller seul, manger sans l’aide d’un adulte ou se laver par exemple.

 

Pratiquer la motricité libre au quotidien, c’est aussi utiliser ses gestes spontanés pour l’habiller, lui demander d’avancer sa main pour enfiler son vêtement ou bien de lever ses jambes pour le change, et attendre son mouvement.

 

Pour accompagner l’enfant dans son développement, le laisser construire ses capacités propres, on va le soutenir tout particulièrement dans ses temps de soin, de change, de toilette. En prenant le temps d’échanger, de saisir son regard, de lui montrer ce que l’on fait. C’est cette conversation active et essentielle qui le renforce, le nourrit et qu’il réutilise après, seul, dans son jeu.

 

Ce concept rejoint par cet aspect celui de la pédagogie Montessori qui est d’accompagner l’enfant vers l’autonomie, notion qui fait partie intégrante de mon projet d’accueil.

La motricité libre, le jeu libre et l’ennui

Nombre de professionnels se sentent obligés de proposer un florilège permanent d’activités aux enfants pour remplir leurs journées. Craignent-ils que ces jeunes enfants s’ennuient, deviennent passifs, voire paresseux et inactifs ?

 

A vrai dire, l’ennui est aux antipodes de tout ce qui est valorisé dans notre société : le dynamisme, la vitalité, l’activité physique, la productivité. Certains y voient même le symptôme d’une pathologie, s’approchant de la mélancolie ou de la dépression. Cette crainte que les enfants s’ennuient est largement alimentée par les parents eux-mêmes.

 

Pourtant, autoriser à un enfant de « ne rien faire » lui permet de se plonger dans un monde imaginaire, d’ouvrir la porte de son jardin secret, d’entreprendre un voyage intérieur. L’ensemble de ces aventures participeront au développement de son épanouissement, sa créativité, sa mémoire, son observation, son imagination mais aussi son autonomie psychique. Offrir à l’enfant des plages de temps libre lui permet également de renforcer sa concentration. Enfin, rappelons qu’un enfant ne fait jamais « rien » et que celui qui est physiquement inactif a de grandes chances d’être psychiquement actif.

 

Le cerveau des jeunes enfants est programmé pour apprendre, découvrir et explorer les moindres détails de leur environnement humain et physique. L’ennui n’y a pas sa place. Comment les tout-petits pourraient-ils se lasser d’un monde qu’ils sont en train de découvrir ? L’ennui n’existe finalement que dans la tête de l’adulte qui projette sur l’enfant sa propre appréhension de l’inactivité, son angoisse du vide.

 

Chez Nounou, les petits bricolages sont plus facilement mis en avant car « visibles » mais ces activités ne représentent qu’une petite partie de notre journée. La plupart du temps, les enfants profitent d’une belle liberté ! On découvre en s’amusant, on échange, on ne suit pas forcément les règles du jeu. On met en commun ou on se dispute, ça fait partie du jeu. On essaye, on recommence, on réussit ou on change d’optique. On s’occupe, on rigole ou on est concentré. On observe ou peut-être qu’on rêve éveillé. Bref, on vit !